"Christofle Orfèvrerie recherche créateur"
Françoise l'a trouvé...Un vase est né !
Nous avons été contactés par l’un de nos clients, intéressé par un vase qu’il avait vu en vente publique en France, mais, face à un commissaire priseur et à un expert qui ne répondaient pas à ses emails, a décidé de consulter Docantic pour en confirmer l’authenticité.
Ce client, collectionneur d’oeuvres du prestigieux artiste Italien Gio Ponti tombe par hasard sur un site d’enchères en ligne, et voit ce vase qu’il souhaite acheter, mais dont le nom de l’artiste est different de celui auquel il était habituellement assigné.
En effet, ayant toujours vu ce vase vendu comme étant une oeuvre de Gio Ponti, ce collectionneur est surpris de le voir désormais en vente sous le nom d’un autre prestigieux artiste Italien, Lino Sabattini (pièce à conviction #1).
pièce à conviction #1
Nous recevons donc la photo du vase en question. Il est en effet très beau, très élégant, estampillé de la fameuse maison d’orfèvrerie Christofle et porte également le cachet de la collection Gallia.
A ce stade, on pourrait juste dire “ Un de plus “ car ce vase est bien connu de tous, et nous l’avons trouvé plus d’une centaine de fois vendu aux enchères et dans les marketplaces, assigné à Gio Ponti.
Nous n’allons donc pas faire la liste ici des maisons de ventes ou des galeries à travers le monde qui ont vendu ce vase, assigné à Gio Ponti car il serait plus rapide de faire la liste de celles qui ne l’ont pas fait.
Pour être plus précis, celles qui n’ont pas commis cette erreur semblent être celles qui ne l’ont pas eu en ventes, c’est pour dire….(pièce à conviction #2)
De ce fait, ce vase n'a jamais été assigné au véritable artiste… Ça en est même…hallucinant !
pièce à conviction #2
Nous l’avons donc fait pour elles…
En effet, ce vase étant assigné depuis plus de 20 ans à Gio Ponti, se trouve également frappé d’une autre paternité, celle de Lino Sabattini par la maison de ventes de Gerald Richard à Villefranche sur Saône et par son expert Bruno Durr…
Le client tente à plusieurs reprises de joindre l’étude, lui envoie des emails, mais n’ayant jamais eu de réponse, et comme indiqué plus haut, a fini par contacter Docantic pour en savoir d’avantage sur ce vase.
Nous avions déjà avant la pandémie envisagé de conduire des recherches concernant ce vase mais le confinement mondial a fait que nous avons reporté cette enquête qui ne nous paraissait pas très urgente vu qu’elle persistait depuis des décennies.
Cette plainte de notre client a été, il faut le reconnaitre, une bonne motivation pour lancer nos enquêteurs sur le terrain, et nous n’avons pas été déçus.
Nous commencons donc par aller verifier dans la bibliothèque de Docantic les références bibliographiques que toutes les maisons de ventes mettent en avant pour assigner ce vase à Gio Ponti, à savoir, (pièce à conviction #3) :
- The Complete Work 1923-1978, par Lisa Licitra Ponti, 1990, Page 185.
- Gio Ponti par Ugo La Pietra, Rizzoli, Milano, 1985, Page 305.
pièce à conviction #3
5 Minutes plus tard, nous comparons les modèles reproduits dans les ouvrages avec le vase en question et comme à l’habitude, les références bibliographiques annoncées ne représentent pas la pièce concernée, Il ne restait donc qu’à aller chercher l’info sur le terrain…
Une menace de re-confinement s’annonçait en France. Même si nous sommes basés aux Etats Unis, certains de nos contacts auraient pu être difficilement joignables, il fallait donc agir vite…Une course contre la montre est alors engagée…
Nous avons donc passé le relai dans la famille de Gio Ponti, chez Lisa Licitra Ponti, sa fille, sa petite fille, Gio Ponti Archives, Christofle, Lino Sabattini et Gisella Alfieri Sabattini, et les chronomètres ont parlé:
Médaille d’or : Salvatore Licitra, Grand Manitou aux archives de Gio Ponti en Italie, comme à son habitude, réagit immédiatement et nous confirme nos doutes : Ce vase n’est PAS de Gio Ponti !! (pièce à conviction #4).
pièce à conviction #4
Médaille d’argent : Gisella Sabattini, petite fille de Lino. La Bella Ragazza nous confirme que ce vase n’est PAS dans le catalogue Sabattini, et que ce vase n’est PAS de Lino…Gracie Mille Gisella !! (pièce à conviction #5).
pièce à conviction #5
Médaille de bronze : Christofle Paris qui par l’intermédiaire du service archives & Patrimoine, nous confirme que l’artiste qui est à l’origine de ce vase n’est PAS Gio Ponti ni Lino Sabattini mais Jacques Sitoleux, un artiste majeur qui a dessiné des modèles pour Christofle pendant 30 ans.
Christofle nous a même fait parvenir la page de son catalogue de 1970 ainsi que la fiche signalétique de ce vase, (pièce à conviction #6).
Très sympathique et très efficace d’ailleurs, Marie Mouterde, nouveau chef de projet patrimoine de chez Christofle…
pièce à conviction #6
Et qui vient remettre les médailles à votre avis ??, et Bien, Jacques Sitoleux en personne. En effet, nous avons contacté Jacques Sitoleux qui nous a réservé un accueil très chaleureux. Un homme extrêmement sympathique, qui nous a longuement raconté son parcours d’artiste émérite du haut de ses 90 printemps et qui a évidemment confirmé être l’auteur de ce vase.
Il est entré chez Christofle en 1966 suite à une annonce parue dans un journal “ Christofle orfèvrerie recherche un créateur…” Jacques Sitoleux y a répondu poussé “fermement” par son épouse Françoise, et ce vase est né, ainsi que d’autres modèles superbes qui sont également assignés de nos jours à d’autres artistes comme Tapio Wirkkala par exemple…Mais nous verrons ça plus tard…
Un artiste resté humblement dans l’ombre et dont nous ne devons pas attendre que sa bougie s’éteigne pour s’émouvoir sur ses créations. Soyez convaincus que nous allons nous en charger à Docantic de faire briller ses oeuvres.
Mais assigner ce vase à Ponti, puis à Sabattini…qui aurait été le prochain ? Si vous voulez épuiser tous les noms Italiens célèbres en “ i “, vous n’avez pas fini, il y a aussi Ferrari, Pirelli, Mastroanni, Cerruti, Buitoni,,…Vous avez le choix pour les futures ventes, au point ou vous en êtes…
Mais bon, un peu de sérieux…A cet égard, des maisons de ventes sérieuses, il en existe heureusement, en cherchant bien. Nous avons fait récemment un article applaudissant une équipe Commissaire-priseur / Expert, lors d’une vente d’une collection de mobilier d’Eugène Printz dans le sud de la France.
Ce n’est pas ce que Docantic à l’habitude de faire mais tant la découverte de cette fabuleuse collection, que le travail de recherche et d’authentification, étaient d’une telle qualité, que nous ne pouvions nous empêcher de lâcher quelques éloges fort bien méritées…
Il faut néanmoins reconnaitre que des équipes gagnantes comme celle-ci se font malheureusement rares de nos jours, et nous serons toujours ravis de les mettre en valeur.
Par contre, l’inverse est plus fréquent malheureusement…Par exemple, s’il devait y avoir une épreuve Paralympique, nous aurions deux belles équipes en lice, Hier, Morand & Morand de Paris et son expert, et aujourd’hui Richard de Villefranche près de Lyon et son expert…
D’un coté nous avons un commissaire priseur qui demande les conseils d’un “expert” au sujet d’une lampe Tizio de Richard Sapper, sur laquelle il manque un bras, et de l’autre coté nous avons un autre commissaire-priseur et son expert faisant preuve de mutisme et d’amnésie, doublés de troubles hallucinatoires…
On se croirait à une finale nationale Handisport…avec la volonté et le talent en moins.
L’expert de la premiere équipe reconnait d’ailleurs humblement ses limites sur son site Internet: en disant:
“ Qui est Côme Remy? Que fait-il en ce moment ? Qu’a-t-il déjà fait…. ouvrez les onglets CV*, Formations*, vous en saurez un peu plus…. mais jamais tout… Ce que vous lui confierez restera entre vous et lui!… cette présentation est la partie immergée de l’iceberg …”(pièce à conviction #7).
pièce à conviction #7 avant que la correction soit faite sur le site.
Ah bon! ces 3 lignes de présentation représentent la partie immergée de l’iceberg ???
Ouahh! tout s’explique ! Quand on sait que la partie immergée d’un iceberg est à peu près 10 FOIS plus importante que la partie émergée, c’est à dire celle qui est visible, on peut en effet facilement mesurer l’étendue des aptitudes…
Donc, ces études et ces articles sont pour vous monsieur l’expert, cela vous aidera peut être un jour à émerger…
Nous avons également téléphoné à l’expert de la deuxième équipe, que nous avons informé de la déception de notre client de ne pas avoir de réponse de l’étude. L’expert nous a donc confirmé que ce vase faisait bien partie des collections de Sabattini, pour reprendre ses termes exacts et qu’il s’engageait à envoyer un “condition report” à notre client par email dans l’heure qui suivait. Comme nous lui avons précisé, notre client n’avait pas besoin d’un rapport de condition mais d’une garantie d’authenticité. Du coup notre client n’a rien reçu…Ni “condition report”, ni rapport d’expertise. En fait il n’a reçu aucune réponse à ses emails, ni de l’etude, ni de l’expert…Il n’a donc pas enchéri sur l’objet…
On se demande encore comment cet expert aurait pu fournir la preuve de la présence de ce vase dans les collections de Sabattini puisque Gisella en charge des archives et des collections de Lino, nous affirme formellement que ce vase n’en fait pas partie.
En tous cas l’expert, lui, il l’a vu…Donc, et afin de nous appuyer sur les références bibliographiques qui conviennent, nous conseillons dans ce cas l’excellent ouvrage de Pierre Vercelletto, "Visions, Apparitions, Hallucinations", aux éditions Rencontres et Dialogues, facilement trouvable sur Amazon ou chez un bon libraire…
Parce que nous sommes de nature “Cool” nous avons donc envoyé un email à ce commissaire priseur pour lui confirmer par écrit que le vase qu’il s’apprêtait à vendre sous le numéro 157 de sa vente n’était pas une création de Lino Sabattini, et nous n’avons pas eu de réponse non plus. Quel mépris !!
Le jour de la vente, malgré nos alertes, le vase a été présenté par cet officier ministériel, comme étant une oeuvre de Lino Sabattini, et n’a évidemment pas trouvé preneur (pièce à conviction #8)…Comportement qui ne nous surprend pas vraiment…Son client vendeur appréciera…
pièce à conviction #8
Conclusion :
Cette enquête était donc à la portée de tous, elle ne nécessitait pas une documentation introuvable, Il fallait juste s’entourer des bonnes personnes au lieu d’être le mouton qui suit bêtement le bellement des autres moutons…
il faut néanmoins pas perdre de vue, que les maisons de ventes francaises doivent imperativement se conformer à des règles déontologiques auxquelles elles sont legalement astreintes.
Il est précisé par le législateur francais que (*) “L’opérateur de ventes volontaires et le commissaire-priseur de ventes volontaires sont tenus à un devoir de loyauté vis-à-vis de leurs clients, vendeurs et acheteurs, et de leurs confrères”
Aussi: (*) “La description de l’objet est sincère, exacte, précise et non équivoque au regard des connaissances que l’on peut en avoir au moment de la vente.”
Celui ou celle qui fera désormais l’erreur ne pourra plus s’abriter derrière l’excuse de ne pas savoir. Fini de jouer avec la tirade poétique “ Dans l’état actuel de nos connaissances, bla bla bla, bla bla bla…
Aujourd’hui dans l’état actuel de nos connaissances, nous savons donc que :
CE VASE N’ EST NI DE GIO PONTI, NI DE LINO SABATTINI MAIS DE JACQUES SITOLEUX,
REALISÉ EN 1969 POUR CHRISTOFLE......Basta !
Il faut neanmoins souligner un point important, au lieu d’assigner ce vase à tort à des artistes renommés dans l’espoir de faire monter les prix, il serait plus judicieux d’en connaitre l’historique.
Ce qu’il faut savoir, c’est que ce vase fait partie d’une collection très importante lancée chez Christofle à la fin des années 60 par le directeur de l’époque Henri Bouilhet. En effet, exprimant le désir de créer une collection moderne voire d’avant-garde, Christofle a créé la collection Christofle Contemporain.
Cette collection devait impérativement être conçue à partir de matériaux courants et n’avoir recours à aucun outillage spécialisé. En fait, le challenge etait de créer une collection contemporaine avec les moyens du bord….Un petit peu comme Jean Prouvé.
Ce vase “Orgues” conçu à partir de tubes et d’une plaque de métal, correspondait parfaitement au programme, car il ne nécessitait aucun outillage spécialisé.
Cette collection impliquait donc de faire appel à des créateurs au sang neuf et non à des orfèvres encore embués dans le style des rois de France.
Jacques Sitoleux est donc ce créateur / designer choisi par Christofle par l'intermediaire d'Henri Bouilhet pour donner vie à cette collection Christofle Contemporain. Il sera egalement assisté de Francois Pautre pour certains modèles.
Dernier point, nous n’aurions pas fait d’article à charge si ces deux études et leurs experts n’avaient pas réagi avec une telle arrogance et un tel mépris.
Même si, comme le dit si justement Jacques Sternberg “ Ignorance et arrogance ne riment pas seulement, ils vont souvent de pair”, sachez que le mépris n’aura d’effet de notre part que d’y répondre…
Ceci dit, nous avons le grand plaisir d’adresser tous nos plus profonds remerciements à Salvatore Licitra, Christofle Patrimoine et principalement Marie Mouterde, Gisella Sabattini et bien sûr Jacques Sitoleux, “Jacques le vieux bavard”, comme il aime se surnommer lui-même, pour nous avoir ouvert leurs archives, leur coeur ainsi que leur temps précieux qu’ils nous ont aimablement consacré.
Nous remercions également la marketplace #1, 1stDibs, d’avoir dans la minute où nous l’avons informée de cette erreur, immédiatement corrigé son listing afin de protéger ses acheteurs…Good Job !
Affaire classée.
* C/f Recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Défaut de papiers ! L’expert n’a pas fourni de preuves documentaires d'époque recevables. Verbalisé !
Acte de sorcellerie ! L’expert a fait une erreur significative de datation. Une affaire paranormale pour Mulder & Scully ! Gardé à vue !
Disparition de témoin ! Aucun artiste n’a été identifié par l’expert. Alerte enlèvement, comparution immédiate !
Usurpation d’identité ! L’œuvre a été incorrectement attribuée à un tiers. Et Picasso a peint la Joconde, hein ?! Ecroué !
La mission de la DOCANTIC PATROL, par l’intermédiaire de nos enquêteurs méticuleux et dopés aux expressos ultra serrés, est d’enquêter sur les affaires qui polluent le marché du meuble XXème. Manque de documentation, non-identification, erreur de date ou d’identification, nous identifions les suspects et permettons que le rétablissement de la vérité fasse jurisprudence.
Chez DOCANTIC nous pensons que chaque artiste mérite d’être correctement identifié pour chacune de ses réalisations, et qu’un collectionneur devrait payer le juste prix pour son achat. Le marché de l’art est pollué par ces erreurs d’attribution et d’estimations malhonnêtes. En diffusant les photos originales d’œuvres du XXème siècle, DOCANTIC PATROL identifie et appréhende ces sur ou sous-estimations. C’est notre mission. Nous servons et protégeons les meubles du XXème siècle.
Basé à Los Angeles, DOCANTIC partage avec tout amateur d’art les informations gardées secrètes par une poignée d’individus depuis bien trop longtemps !