En novembre 2003, TAJAN a vendu aux enchères un guéridon en fer forgé et dessus marbre incorrectement assigné à Jean Royère pour 12 000 €. Affaire classée, nous l’avons fait pour elle !
Chez DOCANTIC PATROL nous enquêtons sur les erreurs d’identification, de datation et/ou de documentation des meubles du XXème siècle. Nous fournissons pour cela des preuves irréfutables issues de documentations d’époque. Besoin d’un exemple frappant ? En voici un.
TAJAN a été interpellée par la DOCANTIC PATROL pour usurpation d’identité : « Wrong Artist » !
Le 24 novembre 2003 TAJAN s'est envolé pour la bagatelle de 12 000 € un guéridon hexagonal dit « hirondelle » en métal et comblanchien (pièce à conviction #1).
Pièce à conviction #1
A l’échelle de la production de Jean Royère, monstre sacré du design français des années 40, ce modèle de table est étonnamment courant. En effet, ce dernier est en vente chez une dizaine de marchands sur les sites spécialisés et il n’est pas rare de croiser sa route sur des marchés aux puces nord-américains avec des plateaux de variétés différentes, bois, pierre, verre, etc… Quant aux commissaires-priseurs, en plus de TAJAN, on le retrouve assigné à Jean Royère chez PALM BEACH MODERN AUCTION (à 4 reprises, dont deux le 14 mai 2016), RAGO (à 3 reprises) et SKINNER (pièce à conviction #2). Suspicieuse, la PATROL a décidé de se saisir de l’affaire.
Pièce à conviction #2
Malgré d’intenses recherches, la PATROL n’a pas été en mesure de trouver trace de cette table « de Jean Royère » dans la base de données de DOCANTIC.
La PATROL décide alors de contacter la personne habituellement consultée en France qui detiendrait soit-disant toutes les archives de Jean Royère(?), pour recueillir son sentiment au sujet de cette paternité. Celui-ci a confirmé n’avoir aucune trace de ce modèle dans plus de 6 000 documents d’époque (dessins, plans & photos). S’agirait-il encore d’une affaire d’erreur d’attribution chez TAJAN ?!
Après avoir fouillé toutes les étagères des librairies, dépoussiéré chaque livre des bibliothèques et tenté même de convaincre Jacques Pradel de relancer son émission culte des années 90, la PATROL a décidé d’élargir le champ des recherches.
Etant donné que certains vendeurs présentent la table comme un modèle « hirondelles » en référence au nom donné à un modèle d’appliques de Jean Royère (pièces à conviction #3)… nous nous sommes dit ironiquement à la PATROL, qu’il ne nous restait plus qu’à écumer les animaleries… Il est vrai que Raymond Subes et René Prou ont collaboré sur une volière hexagonale dans les années 40 (pièce à conviction #4) ! Mais que le grand TAJAN ait pu confondre une table de Royère avec une cage à oiseaux…, rassurez nous, ça dépasserait l’entendement !!
Pièce à conviction #3
Pièce à conviction #4
Entre curiosité, scepticisme et paris internes, les enquêteurs de la PATROL décident finalement de franchir le pas et de creuser cette piste quelque peu absurde avouons-le... Même si TAJAN a déjà croisé la route de la PATROL à de (trop) nombreuses reprises, les experts de l’étude auraient-ils vraiment pu confondre une table réalisée par un monstre sacré du design français avec une cage à oiseaux ?!
Ouf !! Non ! La table annoncée n’est pas une volière !
C’est juste un AQUARIUM !!!
Et oui, ce « guéridon » est en effet en tout point identique à des modèles d’aquariums en vente sur eBay et Kijiji Canada (pièces à conviction #5).
Pièces à conviction #5
Une fois l’erreur d’attribution indéniablement avérée vient l’heure de retrouver l’auteur initial et donc apporter la preuve irréfutable de l’erreur commise par TAJAN. Chaque vendeur de ces sites fut contacté individuellement. Tous, les avaient acquis d’occasion il y a plusieurs années et en ignoraient donc le nom du fabricant et du revendeur… sauf un !
Celui-ci aiguilla la PATROL sur la chaîne d’animalerie « Big Al’s », très populaire dans l’est canadien (pièce à conviction #6). TAJAN se serait egalement trompé de continent ?! Une première pour la PATROL !
"Acheté à Branpton chez Big Al's au croisement des rues Kennedy et Queen."
Pièce à conviction #6
La PATROL prend alors contact avec ledit magasin, mais l’équipe n’a aucun souvenir d’avoir commercialisé ce produit. Le QG de « Big Al’s », situé à deux pas de la frontière canadienne, n’est pas plus bavard, les équipes ne pouvant se lancer dans des recherches sans un nom ou une référence de modèle. Encore un cul-de-sac ! La PATROL apprendra plus tard que ces dernières années l’industrie des aquariums a fait l’objet d’une large valse de faillites, fusions et acquisitions qui justifie la légitime « amnésie » des nouveaux groupes, par voie de conséquence peu familiers avec les collections passées des entreprises acquises.
Retour à la case départ. La majeure partie des aquariums étant en vente dans la région de Toronto, la PATROL contacte plus de 25 magasins spécialisés dans l’Ontario. Après avoir reçu de nombreuses réponses, exploré de multiples pistes et refermé quasiment toutes les portes, l’une d’elles mène chez un constructeur : « Miracles Aquarium » (pièce à conviction #7).
"[...] les deux fabricants d'aquarium hexagonaux étaient 1) Miracles Aquariums et 2) All Glass Tank [...]"
Pièce à conviction #7
La PATROL contacte le gérant de « Miracles Aquarium » qui lui recommande de prendre attache avec l’équipe de « Star Aquariums », réputée pour avoir des connaissances étendues sur l’industrie des aquariums en Amérique du Nord.
Le gérant de « Star Aquariums » fait part aux enquêteurs de ses doutes concernant le pied de l’aquarium. D’après lui il s’agirait plutôt d’une fabrication étasunienne auxquels un fabricant d’aquariums canadien aurait adapté ses vasques. Il recommande d’ailleurs à la PATROL de prendre contact avec le fondateur de « Zoo Med Laboratories » en Californie (pièce à conviction #8) qui possèderait une extraordinaire collection d’aquariums… et de documentation d’époque sur l’aquariophilie. En sorte, un cousin (et voisin) de DOCANTIC ?! Cool !
"[...] Je crois savoir que le propriétaire de ZooMed possède une grande collection d'aquariums anciens."
Pièce à conviction #8
Après quinze jours de recherches intensives, l’enquête toucherait-elle enfin à son but ? La PATROL entre en contact avec le propriétaire de « Zoo Med Laboratories » et de cette prodigieuse collection. Celui-ci ne tarde pas à confirmer l’erreur de TAJAN.
La « table de Jean Royère » vendue le 24 novembre 2003 pour 12 000 € est en réalité un pied d’aquarium realisé aux Etats Unis par O'Dell Aquarium Manufacturing dans les années 70 et ne vaut pas plus de $150 (pièce à conviction #11) !
Gary Bagnall confirmera sa propre expertise quelques jours plus tard en fournissant à la PATROL un extrait de l’édition de mars 1973 de « Tropical Fish Hobbyist » dans laquelle figure ledit aquarium (pièce à conviction #12).
"[...] Le pied qui a été vendu aux enchères pour $12.000 est le support d'un aquarium réalisé par O'Dell dans les années 1970. Je l'estimerais, sans le bassin, à $75 / $150 maximum."
Pièce à conviction #9
Pièce à conviction #10
DOCANTIC et la PATROL tiennent à remercier la totalité des fabricants, distributeurs, particuliers et passionnés qui ont permis de résoudre cette affaire en partageant leur temps et connaissances pour le bien du marché de l’art. Une attention toute particulière est adressée à Monsieur Gary Bagnall. En effet, si l’immense majorité des personnes contactées a tenté de son mieux d’aider la PATROL, le fondateur de « Zoo Med Laboratories » est le seul à avoir pu clore l’affaire en apportant une preuve irréfutable de paternité. Le salut est venu de la documentation… c’est très justement la raison d’être de DOCANTIC !
Affaire classée.
Défaut de papiers ! L’expert n’a pas fourni de preuves documentaires d'époque recevables. Verbalisé !
Acte de sorcellerie ! L’expert a fait une erreur significative de datation. Une affaire paranormale pour Mulder & Scully ! Gardé à vue !
Disparition de témoin ! Aucun artiste n’a été identifié par l’expert. Alerte enlèvement, comparution immédiate !
Usurpation d’identité ! L’œuvre a été incorrectement attribuée à un tiers. Et Picasso a peint la Joconde, hein ?! Ecroué !
La mission de la DOCANTIC PATROL, par l’intermédiaire de nos enquêteurs méticuleux et dopés aux expressos ultra serrés, est d’enquêter sur les affaires qui polluent le marché du meuble XXème. Manque de documentation, non-identification, erreur de date ou d’identification, nous identifions les suspects et permettons que le rétablissement de la vérité fasse jurisprudence.
Chez DOCANTIC nous pensons que chaque artiste mérite d’être correctement identifié pour chacune de ses réalisations, et qu’un collectionneur devrait payer le juste prix pour son achat. Le marché de l’art est pollué par ces erreurs d’attribution et d’estimations malhonnêtes. En diffusant les photos originales d’œuvres du XXème siècle, DOCANTIC PATROL identifie et appréhende ces sur ou sous-estimations. C’est notre mission. Nous servons et protégeons les meubles du XXème siècle.
Basé à Los Angeles, DOCANTIC partage avec tout amateur d’art les informations gardées secrètes par une poignée d’individus depuis bien trop longtemps !