Henri Creuzevault est né à Paris le 4 avril 1905. Tout jeune, il travaille chez son père, Louis Creuzevault, relieur ; c'est en collaboration avec lui qu'il expose, en 1928, au Musée Galliera et obtient sa première récompense. En 1930, il reprend l'atelier et le fonds de commerce de la rue Villejust, qu'il transférera, en 1934, faubourg Saint-Honoré.
Il ajoute à la reliure, l'édition des livres de luxe, dont il demande l'illustration à des artistes contemporains et poursuit dès lors parallèlement les deux activités d'éditeur et de relieur. A l'Exposition Internationale de 1937, Henri Creuzevault avait reçu le Premier Prix de reliure ; en 1946, il participe à la Fondation de la Société de la Reliure Originale et prend part à ses expositions, à la Bibliothèque Nationale, en 1947 et 1953, à Lyon en 1949 et à toutes les manifestations du Livre, en France et à l'Etranger ; entre autres, à Paris, aux deux expositions des Richesses de la Librairie française et à Londres, en 1949, à l'Art Council Collection de reliures modernes anglaises et françaises du Major Abbey" ; à la Triennale de Milan, en 1954, il obtient une médaille d'or.
En 1937, la Ville de Paris lui avait commandé la reliure offerte aux princesses Elizabeth et Margaret d'Angleterre et celle du Livre d'Or pour le Monument d'Albert 1er. A la suite de la première exposition de la Reliure Originale, deux reliures : Le Bestiaire, illustré par Dufy et le Mallarmé, illustré par Despiau, lui sont demandées pour la Bibliothèque Nationale et, en 1949, il relie pour le Victoria and Albert Museum, le Buffon de Picasso.
Les activités d'Henri Creuzevault, consacrées au livre ,son édition et sa reliure, se complètent mais surtout sont logiquement soumises l'une à l'autre. Ses connaissances techniques et son expérience du métier ont déterminé autant que sa sensibilité et son goût, ses conceptions esthétiques d'ailleurs résolument axées sur les Plus libres expressions de l'art contemporain.
S'il a demandé à Laboureur d'illustrer les « Trois impostures » de Toulet, à Maillol, « Les dialogues des Courtisanes », à Roland Oudot « Sarn », à Henri Laurens « L'Odyssée », à Bernard Buffet, « La recherche de la pureté », de Giono, et « La Passion du Christ » c'est parce qu'il « voit » le livre illustré.
Mieux il a conçu ses derniers ouvrages, en particulier la Passion, comme un ensemble de gravures qui commande aussi bien la typographie que l'architecture du livre l'artiste compose son œuvre, prévoit la mise en page et c'est en étroite collaboration avec lui que l'éditeur harmonise la présentation du texte, devenu élément secondaire, avec l'image.
Cette primauté donnée à l'illustration, vient de l'inciter à entreprendre l'édition, en tirage limité, de gravures de Bulfet, Marchand, Clavé et Carzou. Et c'est encore ce même goût qui détermine le style, d'ailleurs très personnel, de ses reliures dont les thèmes sont toujours inspirés par une recherche d'accord avec l'illustration.
Ainsi pour le « Bestiaire », d'Apollinaire, il a composé un décor mosaïqué, en veau bleu sombre, non serti, sur fond grège, rappelant le rythme et la densité des bois de Dufy. Il préfère généralement les oppositions solides de couleurs et de matière aux jeux de fers et de filets dorés et joue, avec bonheur, de tonalités sombres qui s'opposent, d'une façon presque sculpturale, à la matité du cuir uni et clair.