La raison d'être de l'art décoratif est de dresser le décor de notre vie, c'est pourquoi la mission essentielle de l'ensemblier consiste à créer de la beauté : celle beauté à laquelle chaque être aspire instinctivement sans pouvoir toujours la définir et dont il a besoin pour oublier les laideurs humaines et les souffrances de l'effort.
Cette beauté qu'il cherche éperdument dans la nature, dans la femme, dans la mode, dans l'objet.
Président du Salon des Artistes décorateurs, Jacques Adnet joue dans l'évolution du goût un rôle important.Il fut un des premiers à lutter contre la pauvreté d'un style qui, sous prétexte de s'épurer, se dépouillait de toute substance ; en mobilisant, au profit de la décoration, des peintres, des sculpteurs, des céramistes qui n'avaient jusqu'alors travaillé qu'isolément, il contribua activement à la renaissance de l'ornementation.
Et maintenant, lorsque certains artistes tombent dans l'excès contraire, J. Adnet, en bon chef d'orchestre, intervient encore : « L'idée de beauté, déclare-t-il, est essentiellement variable, elle a des aspects multiples comme une lanterne à facettes et suit les mouvements de la vie. Or, en notre époque d'austérité forcée, l'esprit et les yeux sont, par une sorte de retour aux traditions antiques, attirés par la noblesse et la simplicité. »
Pour Adnet, la noblesse est presque synonyme de grandeur, un mot dont le sens est, aujourd'hui, trop souvent oublié.
D'une manière générale, le public tend à ne considérer l'art que par le petit côté, la vogue est aux bibelots charmants, aux arrangements habiles, alors que la décoration, architecture intérieure, doit être soumise aux mêmes règles d'équilibre que les façades.
Quant à la simplicité, il en fait un des éléments primordiaux du beau, à condition de la considérer comme un aboutissement et non comme un point de départ. Mais une telle stylisation exige une culture générale que peu « d'ornementistes » possèdent aujourd'hui, du fait même de la spécialisation.
L'artisan de la Renaissance étendait presque toujours son activité à plusieurs domaines.Il est un point enfin sur lequel le décorateur insiste particulièrement : « La beauté, si utile à l'être humain, ne doit pas se dégager exclusivement des objets et des intérieurs d'exception, il faut en faire profiter la masse du public, et les meubles de série, débités par la machine, doivent comporter un élément vivant, c'est.à dire un détail d'ornementation fait de la main de l'homme ».
C'est ce que le décorateur appelle humaniser l'utile.
C'est vers de telles tendances que J. Adnet se propose d'orienter, dans la mesure de ses moyens, le prochain Salon des Artistes Décorateurs.